J'ai commencé l'astronomie vers 1975 avec la lunette Galaxie 60x900 donnée par mon grand père. C'était son cadeau de départ en retraite, mais il était plus attaché à son jardin et à ses livres qu'à pratiquer l'observation astronomique. J'ai plutôt fait de la photo avec cette lunette, juste avec un appareil monté en parallèle. Avec un guidage manuel et les pellicules argentiques de l'époque, les résultats étaient très difficiles à obtenir et assez peu gratifiants.
La construction
"Tout l'univers"
J'ai donc commencé à rêver d'un télescope. Je lisais les articles de vulgarisation de la collection encyclopédique "Tout l'univers", et aussi les articles de "Ciel et Espace" et les livres de Pierre Bourge. "Tout l'univers" ne disait pas tout des détails de construction, même s'il semblait tout traiter de la taille du miroir à la fabrication de la monture. La construction proposée par "Tout l'univers", tout en bois, semblait accessible. Tandis que "Ciel et Espace" comme Pierre Bourge donnaient beaucoup plus de détails de construction, mais ils étaient bien difficiles à réaliser avec mes rappes à bois et mes gros marteaux.
Malgré un très modeste bagage en dessin industriel (cours de technologie de la classe de 3ème), et un bagage encore plus mince de bricoleur, j'ai commencé à dessiner mon premier télescope. Fort de ces quelques plans, bien incomplets, je suis allé voir un ébéniste qui m'a fourni en bois exotiques et en contreplaqué. J'ai ensuite passé ma vie dans la cave de mes parents pour construire le télescope.
Malgré les conseils expérimentés de Pierre Bourge de ne pas faire inutilement lourd et gros, je suis tombé dans tous les défauts possibles. Par exemple la base du télescope était constituée de demi-poutre de bois exotique: 16 cm sur 8 de robustesse. Les pieds étaient taillés dans des vis de 20 mm de diamètre. Je pouvais sauter à pied joint sur le télescope... Et aussi, le support du miroir était relié au tube optique avec pas moins de 8 boulons de 8 millimètres. De quoi résister à un cyclone.
J'ai équipé le tout d'un miroir de 200 mm de chez Devaux-Chevet à Paris. J'ai souvenir d'avoir demandé au vendeur quel lambda était garanti par le fournisseur. Ce à quoi il m'avait été répondu qu'il n'y en avait jamais, mais que tout le monde trouvait ces miroirs à son goût. Cela n'a pas beaucoup changé... J'ai ajouté un miroir secondaire, un porte oculaire, une araignée et quelques oculaires. Tout du matériel bien comme il faut et comme on en voyait dans les livres. Bref... j'avais cassé ma tirelire mais je n'avais aucune idée des qualités de ce que j'achetais !
Le résultat
Le résultat ressemblait beaucoup au modèle de "Tout l'univers". C'était solide de partout mais pas trop satisfaisant pour autant. En partie à cause de la conception inutilement robuste et lourde sur bien des points. En partie à cause de mes bricolages trop approximatifs. Par exemple l'axe de rotation horaire était un simple poteau récupéré de la signalisation routière, non usiné et posé directement sur des roulements.
Il n'y avait pas que le télescope à incriminer. Je ne savais pas ce que collimater, mettre en station ou mettre en température voulaient dire. Je manquais aussi un peu de gniac pour m'y mettre vraiment. Et puis quand il a été opérationnel, j'ai commencé mes études...
J'ai tout de même pris le temps de l'équiper d'un secteur d'entrainenent et d'un rattrapage en déclinaison façon Pierre Bourge. Mais mes capacités de bricolage ont trouvées là leurs limites. Ces pièces nécessitaient trop de soin, de mécanique et d'électronique. Par exemple le ressort de rappel était un tendeur fixé à du fil nylon. Ou encore la raquette de commande était faite dans une boite à cigare en carton...
C'est sans doute sur ce truc que j'ai compris ce que "insatisfaction" voulait dire.
Déjà il fallait plusieurs voyages entre la cave et le jardin pour réussir à rassembler toutes les pièces monstrueusement lourdes. Ensuite grâce à l'araignée, on ne peut plus standard du commerce, il fallait un doigté de sorcier pour réussir à régler le miroir secondaire en rotation. Sans parler de la collimation à trois vis poussante pour une qui serre... Ensuite, grâce au porte-oculaire tout aussi commercial, il fallait forcer comme un diable pour faire entrer les oculaires. De surcroit grâce aux défauts de conception et de réalisation, le pointage était difficile, le suivi aléatoire et les vibrations ingérables. Enfin du fait des défauts des principes de base: Le miroir n'était pas d'une taille insuffisante et l'oculaire se trouvait une fois sur deux dans une position impossible.
Et bien malgré tout, j'étais très fier de mes achats et de cette réalisation. Le télescope en imposait. On y voyait la Lune et Saturne mieux que dans ma lunette. Et par dessus tout le fait de savoir construire un tel truc forçait le respect !
J'avais baptisé ce télescope Ouranos 1. Sans doute en pensant déjà à un numéro 2.
Les sorties
À l'époque de cette construction, un grand rassemblement d'astronome a été organisé à Nancay par l'AFA. J'y suis allé, avec Papa et Maman vu mes besoins en moyens de transport lourds. Nous étions installés le long des antennes. C'était mon premier rassemblement astro. J'ai pu y croiser des tas de célébrités dont Pierre Bourge, y observer le Soleil dans un des premiers filtres Mylard et aussi H alpha. Enfin j'y ai croisé des astronomes amateurs de la région d'Orléans et nous avons fondé avec eux le club d'astronomie du coin.
Pour le reste, je ne sortais l'engin que pour l'installer dans le jardin. Et encore quand j'avais du courage. J'ai fini par tout ranger dans des malles pour me consacrer à mes études. Je ne suis revenu à l'astronomie que bien plus tard en 1996. Et à ce moment j'ai ressorti facilement la lunette mais pas le lourd télescope... Je n'ai jamais réutilisé que le miroir pour réaliser le prototype du télescope de voyage en 2002. Mais ceci est une autre histoire.