- http://strock pi r2 3 14159 free fr -   - Site Internet de Pierre STROCK -    - Verre - Tensions -   - 12 novembre 2009 -

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L'analyse des tensions dans les blocs de verre

Cet article est la compilation de ce que j'ai trouvé sur le sujet. Comme je n'ai rien trouvé de tout fait, ce n'est pas du copier-coller, mais le résultat de ma compréhension personnel. C'est donc peut-être erronnée. J'ai pour l'instant évité de mettre les formules et il reste à corriger les cocquilles, veuillez m'en excuser.

Question : Y a-t-il des contraintes dans mon verre ?

Les miroirs des télescopes sont réalisés avec des blocs de verre épais. On parle de blocs car ce sont des pièces bien plus épaisses que le simple verre à vitre et bien plus grandes que les éléments usuelles de vaisselle. Par exemple en octobre 2008 le club Magnitude 78 a entrepris de tailler un miroir dans un bloc de 600 mm de diamètre et 45 mm d'épaisseur.

Les blocs sont fabriqués par l'industrie verrière pour l'essentiel. Il sont réalisés en fondant du verre dans un moule -ce qui nécessite des installations dédiées- ou en étirant une feuille de verre -jusqu'à 25 mm d'épaisseur aujourd'hui- à partir d'un bain de verre en fusion. Le verre doit tout à la fois être élaboré convenablement pour constituer un matériau homogène en composition et en structure vitreuse puis être ensuite refroidis dans les règles pour éviter de démarrer une cristallisation et pour éviter de laisser des tensions dans le verre.

Or des tensions apparaissent dans les blocs de verre épais s'ils refroidissent trop vite. Le cœur du verre -chaud- est dilaté par sa température. Tandis que le verre extérieur -plus froid- fige en premier. Lorsque le cœur finit par descendre en température, il cherche à se contracter mais l'extérieur ne peut plus suivre le mouvement. Le refroidissement différé du cœur met donc en dépression le cœur du bloc. Lors d'un refroidissement rapide, le gradient de température est plus important dans un verre épais que dans un verre mince. Les blocs épais sont donc d'avantage sujets à tensions.

Une fois froid le verre se trouve précontraint comme un verre trempé. Le bloc ne casse pas car ses deux faces résistent symétriquement et en compression à la dépression du cœur. Le verre résiste très bien en compression.

Lors du travail d'ébauchage, en retirant du verre sur une seule face on réduit sa résistance. Car l'opticien en ébauchant la face optique retire plusieurs millimètres de verre (presque 9 millimètres sur le 600 de Magnitude 78). La face creusée a alors une résistance en compression réduite. Elle peut se déformer sous l'action des tensions imposées par le cœur. La contraction de celui-ci peut alors cintrer le bloc de verre. La face arrière est alors étirée. Or, une des particularités du verre est de mal résister en traction. Au delà des limites d'élasticité du verre, c'est la fissure et le bloc casse.

Le risque de rupture du bloc existe. Même si il y a peu de cas connus et même si ces cas semblent aussi liés à des verres mal homogénéisés à l'élaboration. Peut-être est-ce exagéré d'en parler. Mais il y a encore de très vieux blocs de verre qui sortent de temps en temps des armoires. De plus les amateurs taillent de plus en plus des miroirs très ouverts qui nécessitent de creuser profondément les verres. Ce qui augmente le risque. Un cas publié : Dany Cardoen sur le premier bloc de 106 cm qu'il essaya de tailler. À voir sur son site : http:// puimichel.obs.free.fr / puimichel-casse.htm

Pour réduire les tensions, il faut refroidir les blocs très doucement. Le verrier doit faire descendre la température si doucement que le cœur et l'extérieur restent quasiment toujours à la même température. Le verre est un matériaux très visqueux et d'autant plus qu'il est moins chaud. Plus le verre est froid et plus les contraintes mettent du temps à déplacer le verre pour réduire les tensions. Cela peut prendre des mois sur les gros miroirs professionnels et de 3 à 5 jours sur un bloc comme celui de Magnitude 78. On parle de verre finement recuit. Pratiquement pour les petits blocs, le verrier sort rapidement les blocs du moule pour les remettre ensuite dans un four dit de recuisson selon la méthodologie usuelle du verre et des céramiques. Dans l'industrie les pièces ne sont pas usinées après cuisson ou moulage. Le verrier peut donc y laisser quelques tensions. Il faut toutefois des recuits particuliers pour les verres astronomiques afin d'obtenir des tensions très faibles dans des blocs très épais.

Comment vérifier les tensions résiduelles avant de commencer l'ébauchage ? Il peut rester des tensions même dans les blocs destinés à l'astronomie. De plus pour réduire les coûts d'approvisionnement les amateurs utilisent aussi des verres à vitre, des verres sans recuit particulier. Pouvoir détecter et mesurer permet de contrôler la qualité du bloc, permet de détecter un risque à l'ébauchage et permet de maîtriser la technique. Comment faire ?

Réponse : Il faut analyser le verre par biréfringence !

Dans un matériau biréfringent la lumière se propage à des vitesses différentes selon sa direction et sa polarisation. L'indice de réfraction n'est pas unique. Il y a des milieux uniaxes avec deux indices et des milieux biaxes avec trois indices.

Les milieux uniaxes ont deux indices de réfraction principaux : l'indice ordinaire "No" et l'indice extraordinaire "Ne". On parle d'axe lent pour l'indice le plus fort et d'axe rapide pour l'indice le plus faible (l'indice varie à l'inverse de la vitesse de propagation de la lumière). La différence ΔN = Ne − No est la biréfringence du milieu. Elle est de quelques pour-cent des indices. ΔN peut être positif ou négatif. De très nombreux cristaux naturels sont uniaxes (quartz, calcite, spath d'Islande), leur maille est trigonale, tétragonale ou hexagonale.

Par exemple la calcite : No 1,658 Ne 1,486 donc ΔN -0,172 (mesuré à 590 nm)

Par exemple le quartz  : No 1,544 Ne 1.553 donc ΔN +0,009 (mesuré à 590 nm)

Les milieux biaxes ont trois indices de réfraction principaux notés n1, n2 et n3. Les cristaux biaxes sont des systèmes cristallins triclinique, monoclinique ou orthorhombique.

Le verre est normalement isotrope mais devient biréfringent sous contraintes. Plus généralement certains milieux non cristallins sont isotropes en conditions normales, mais ils deviennent biréfringents sous sollicitation. On parle de biréfringence accidentelle.

Visualisation par biréfringence des tensions dans un plastique moulé
Exemple des contraintes de poinçonnement

Il est possible de créer une biréfringence dans un milieu optique isotrope de plusieurs manières : En appliquant un champ électrique, un champ magnétique ou une contrainte mécanique. C'est ce qui nous intéresse. On peut aussi le faire par choc thermique. C'est typiquement ce qui se passe pour les pièces en plastique moulé refroidies trop vite. C'est ce que l'on utilise pour visualiser les tensions dans les matériaux transparents comme le verre, le plexiglas, les résines.

Pour voir la biréfringence, on fait une interférométrie grâce au déphasage que produit la différence de vitesse. Une onde qui entre dans le matériau peut être décomposée sous la forme de la somme de deux ondes orientées chacune sur un axe lent ou rapide. En entrant dans le matériau les deux ondes sont en phases. Après avoir traversé le matériau les deux ondes sont déphasées puisqu'elles se sont propagées à des vitesses différentes. Si par un procédé d'interférométrie on additionne les deux ondes, on va obtenir une onde dont l'amplitude sera fonction du déphasage. On retrouvera l'onde initiale pour des déphasages multiples de deux Pi et on verra une interférence destructive si le déphasage est de Pi. On peut donc visualiser par interférométrie la biréfringence et donc les contraintes.

On parle aussi de photoélasticité lorsqu'un matériau solide devient biréfringent sous l'effet de contraintes. C'est la même chose que la biréfringence accidentelle, mais vu par l'ingénieur qui cherche à mesurer les contraintes appliquées. On parle aussi de photoélasticimétrie. La théorie en fût développée par Coker et Filon à l'université de Londres (Leur traité de photoélasticité fût publié en 1930).

Coupe mince d'un météorite
Vue sous polariseurs partiellement croisés

C'est une technique très utilisée depuis les années 1880 environ pour reconnaître les minéraux. On l'utilise aussi pour analyser des minéraux des météorites. Sur l'image ci-contre une Nakhlite (météorite d'origine marsienne) tombée au Maroc en 2001. On peut y reconnaître -en combinant l'analyse de la réfraction (qui donne une impression de relief), les couleurs de biréfringence, les angles de clivage et de macles, les formes, les inclusions...- des grains d'augite et d'orthopyroxene (jaune à clivages à 87°), d'olivine (ici en vert), du titane (métal opaque apparaissant noir), ...

De nos jours, la photoélasticité est aussi utilisée pour contrôler les contraintes dans les structures en verre utilisées dans le bâtiment. On l'utilise encore en recouvrant d'une couche de matériaux biréfringent des pièces mécaniques. On peut alors analyser visuellement par réflexion les contraintes à la surface de pièces soumises à des efforts. C'est par exemple ce qui est fait pour étudier la résistance des prothèses (fémur, hanche, ...). Enfin on l'utilise pour étudier la résistance des structures en réalisant des maquettes en résine.

On l'utilise même en médecine comme par exemple pour suivre l'évolution des glocaumes de l'oeil en mesurant la biréfringence des cellules du nerf optique.

Il y a deux manières de procéder et un truc en plus

Première manière : Deux polariseurs

Principe

Le plus simple consiste à placer le bloc de verre entre deux polariseurs croisés. Voir le schéma théorique ci-dessous. Le montage s'appelle un polariscope. On trouve sur l'axe optique : Une source lumineuse (soit une source plane étendue soit une lampe derrière un diffuseur blanc), un polariseur rectiligne (dit P), l'échantillon à analyser (dit E) et un polariseur rectiligne servant d'analyseur (dit A) que l'on tourne orthogonalement au premier (voir les flèches).

Principe général des polariscopes
Mise en évidence des tensions dans une résine
par polariscope

Il est préférable d’utiliser une source de lumière blanche surtout pour les verres avec des contraintes faibles. Mais lorsqu’il y a des contraintes fortes on peut aussi utiliser une source monochromatique. En lumière blanche, il faut veiller à disposer de nombreuses longueurs d'ondes et d’un blanc bien équilibré. La lumière du jour est parfaite, mais pas toujours simple à manipuler. Avec les lampes, il faut veiller aux effets secondaires de leur spectres imparfaits : Les lampes à incandescence sont un peu trop rouge et les lampes à fluorescence n’ont pas toujours assez de longueur d’onde.

Le polariseur doit être un polariseur rectiligne comme un film Polaroïd. La lumière émergeante est ensuite regardée au travers d'un deuxième polariseur rectiligne. Ce deuxième filtre doit être tourné à angle droit du premier. Ce qui a pour effet de donner des images sur fond noir, puisqu'en absence d'échantillon la lumière qui est passé par le premier filtre ne peut plus passer le second.

On regarde l'image à l'oeil ou avec un appareil photographique.

Mise en œuvre

Une manière simple de procéder consiste à utiliser un écran à cristaux liquide d'ordinateur ou de téléviseur comme source de lumière blanche. Car la lumière est délivrée toute polarisée. De plus la grande taille des écrans permet d'analyser une grande surface du bloc de verre d'un coup. Enfin la lumière est bien polarisée rectilignement (voir paragraphe sur les filtres et sur la polarisation pour plus de détail sur les différentes polarisations.).

Une des difficultés est de disposer de toutes les longueurs d'onde. Les écrans modernes, comme les lampes à économies d'énergie produisent des ondes selon les fluorescences de divers matériaux. On peut raisonnablement disposer sur un écran de la panoplie suivante : rouge, rouge orangé, ambre, vert, bleu, bleu roi. Il n'y a ni jaune, ni cyan, ni turquoise ! L'ensemble des images présentées ici est faite avec ce type d'éclairage... Voir le paragraphe sur la lumière des écrans à cristaux liquides.

Il est aussi très simple d'utiliser un filtre polarisant d'appareil photographique pour analyser l'onde émergeante. On tourne le filtre pour que l'image de l'écran soit noire. On place ensuite le bloc de verre entre l'écran et le filtre. Il faut veiller à ne plus changer les positions relatives de l'écran et du filtre pour que les polarisations restent bien orthogonales.

La plupart des filtres polarisant d'appareils photographiques sont des filtres polarisants circulaires, mais cette caractéristique n'est pas gênante si on ne retourne pas le filtre. (Voir paragraphe sur les filtres et sur la polarisation pour plus de détail sur les différentes polarisations.)

Que peut-on obtenir ?

Les images obtenues sont l'addition de deux systèmes de courbes : Des courbes sombres dites “isoclines” et des courbes colorées dites “iso chromes”. Les isoclines indiquent les endroits du verre où les tensions sont dans le sens d'un des deux polariseurs. Elles ne donnent aucune indication sur l'intensité des tensions. Ce sont les iso chromes qui indiquent l'intensité des tensions dans le verre.

Il y a deux problèmes ou difficultés. Premièrement : Là où il y a des isoclines, on ne peut pas analyser les tensions dans le verre car c'est noir et cela masque les iso chromes qui peuvent s'y superposer. Deuxièmement : Il y a une ligne noire dans les iso chromes, là où les tensions sont nulles dans le verre. Il ne faut pas la confondre avec une isocline. Voir le paragraphe sur la théorie des phénomènes.

Avec cette technique simple à deux polariseurs, il peut donc être un peu compliqué de s'y retrouver. Il est plus simple pour interpréter les tensions dans les verres de ne pas avoir d'isocline. Il est surtout plus simple d'avoir un système de tensions simples… Pour réellement se simplifier l'analyse, il faut utiliser la manière élaborée développée au paragraphe suivant. À défaut, il faut faire attention. C'est faisable sur les cas simples typiques des verres bien recuit pour l'astronomie.

Deuxième manière : Deux polariseurs et deux lames quart d'onde

Principe

Ce n'est pas le plus simple, mais c'est ce que proposent par défaut ''ceux qui savent''. En plus du polariscope décrit ci-dessus, il faut avoir deux lames quart d'onde. On ajoute les lames quart d'onde entre les polariseurs de part et d'autre de l'échantillon. Il faut aussi orienter de manière appropriée les lames.

Principe général de l'analyseur de biréfringence
Mise en évidence des tensions dans une résine
par polariscope avec lames quart d'onde.

On trouve donc sur l'axe optique : Une source lumineuse (soit une source plane étendue soit une lampe derrière un diffuseur blanc), un polariseur rectiligne (dit P), une lame quart d'onde (dit R), l'échantillon à analyser (dit E), une lame quart d'onde (dit R) et un polariseur rectiligne servant d'analyseur (dit A) que l'on tourne orthogonalement au premier (voir les flèches). Voir le paragraphe sur l'orientation des lames quart d'onde et le schéma théorique ci-dessous. La lumière polarisée rectilignement qui entre dans la première lame est transformée en polarisation circulaire. Il n'y a alors plus d'orientation privilégiée et donc plus d'isocline.

Mise en œuvre

Une manière simple de procéder consiste à utiliser deux filtres polarisants circulaires d’appareil photo. De part leur taille réduite, on n’analyse qu’une petite zone du verre. Il faut procéder point par point pour analyser un grand verre.

Il est facile de se procurer des polarisants circulaires qui intègre donc le polarisant et la lame quart d’onde, mais il y a deux difficultés. Premièrement il est préférable d’en trouver deux avec des angles différents entre polarisant et lame ce qui permet de travailler sur fond sombre en croisant les polariseurs. Sans cela on travaille sur fond clair. Deuxièmement il faut que l’angle entre le polarisant et la lame soit réglé avec finesse. Sans cela il reste une coloration qui réduit la visibilité des couleurs.

À défaut il faut trouver une lame quart d’onde. Voir le paragraphe sur l’extraction d’une lame quart d’onde d’un filtre du commerce.

Avec les filtres polarisant circulaire d'appareil photographique il faut veiller à retourner le filtre pour que la lame quart d'onde qu'il comporte soit du coté de l'échantillon et le polariseur du coté de l'oeil ou de la source.

Que peut-on obtenir ?

Les images obtenues comportent toujours les iso chromes, mais il n’y a plus d’isoclines. L’intensité des tensions est plus facile à lire. De plus on peut tourner l’échantillon sans que l’image ne change.

Comparaison des deux techniques. Animation  
À gauche avec les lames quart d'onde. À droite sans.

Il peut subsister une difficulté : Les angles relatifs des lames et polarisants doivent être très précisément réglés. Tout écart de réglage conduit à des polarisations elliptiques qui font subsister des traces d’isoclines et donne des iso chromes visiblement variables lorsque l’échantillon est tourné. Enfin le fond n’est pas complètement sombre ; il reste une coloration qui limite la discrimination des teintes.

Sur la comparaison ci contre, on observe bien les isoclines totalement noires qui disparaissent lorsque l'on utilise les lames quart d'onde. Ce qui découvre des iso chromes cachées. Les isochromes, aux imperfections des prises de vues, ne changent pas. On peut maintenant différencier les isochromes d'ordre zéro (qui sont noires) des isoclines.

Truc en plus : La lame de phase

Il y a des zones du tableau de Michel-Lévy ou la couleur ne change pas. La biréfringence varie alors que les teintes restent très proches. La couleur appréciée à l'oeil est donc peu discriminante. Par exemple autour de la biréfringence nulle on a essentiellement une variation de niveau de gris. Tandis que d'autres zones du tableau donnent des variations de teintes fortes pour des variations de biréfringence faibles. Ainsi entre 300 et 800 nm de biréfringence on passe du jaune, au rouge, au pourpre, au violet, au bleu puis au vert.

La partie la plus sensible du tableau est réputée se trouver autour de 550 nm de biréfringence. Dans cette zone, une faible variation de biréfringence va produire un fort changement de couleur bien appréciable à l'oeil.

L'astuce consiste à ajouter une lame biréfringente pour décaler les teintes. On parle aussi de lame retard ou de lame de phase. On ajoute cette lame dans le polariscope. Elle augmente la biréfringence d'une valeur constante. On peut alors refaire la mesure décalée d'une valeur connue. On se trouve déplacées à un autre emplacement du tableau où les couleurs peuvent être plus facilement discriminées. Pour cette raison les fabricants de microscope proposent une lame de retard d'une longueur d'onde dit compensateur rouge de premier ordre.

Ce truc est intéressant pour les verres à faibles tensions. Les biréfringences accidentelles des verres de miroir finement recuits sont faibles. Elles peuvent être difficile à apprécier. Il peut alors être plus intéressant de disposer d'une lame retard pour décaler le résultat dans une zone de variation de couleur plus sensible. Ce truc permet aussi de distinguer les biréfringences positive et négative. Car l'échelle de couleur est symétrique pour les valeurs positives et négatives. En ajoutant une constante on différencie les couleurs.

Exemple d'utilisation d'une lame de phase pour faciliter les mesures.
À gauche avec lame de phase. À droite sans.

Sur l'image ci-contre, le miroir de 153 mm de diamètre est observé avec un polariscope simple composé de deux polariseurs croisés. Les tensions dans le verre sont essentiellement dirigées du bord vers le centre du verre. On observe bien la figure des isoclines en X. Dans les branches du X les contraintes sont orientées selon les directions de polarisation ici placées à 45° de l'horizontal. Le centre du verre dépourvu de tension est aussi noir puisque c'est l'ordre 0 des isochromes.

Sur l'image de droite, sans lame retard, les quatre zones hors isoclines et centre sont en dégradé de gris sans coloration. Ce peut être de -280 à 0 à 280 nm de biréfringence. Vers -300 ou +300 on a une isochrome jaune qui serait reconnaissable. Tandis que sur l'image de gauche avec lame de phase, les isoclines sont décalés au bleu comme le centre (660 nm de biréfringence), les zones 12h et 6h sont bleu vert (730 nm), les zones 3h et 9h sont indigo (590 nm). Sans prendre beaucoup de précautions on est donc quatre fois plus précis. On peut aussi apprécier le changement de signe des contraintes à chaque franchissement d'isocline...

Pratiquement cela peut se faire avec simple feuille de cellophane ou avec une lame d'onde très précise et très chère.... Mais le cellophane est facile à trouver.

Exemples de tensions dans des verres

On observe des tensions...

Verre ordinaire pour lampe et vaisselle

Les verres de protection des halogènes et autres coupelles de verres ne nécessitent pas de recuit particulier pour l'usage qui en est fait. Les procédés de fabrication peuvent y laisser des tensions.

Par exemple dans le verre présentée ici à droite. Il mesure 1,8 mm d'épaisseur. On y constate des iso chromes positives de 200 nm et négatives de -150 nm (C'est plus facile avec une lame de phase non présentées ici). Ce qui donne une plage de tensions de 350 / 1,8 / 2 = ~100 mégapascals. On note à cette occasion que cette valeur de 100 mégapascals est considérée par les verriers comme la limite de résistance d'un verre à ses propres contraintes...

Exemple de tensions sur point de contact

On peut analyser le développement des contraintes sur un point de contact de barillet par cette technique. Ici dans la tranche d'un disque de verre de 153 mm de diamètre par 25 mm d'épaisseur. Le dique de verre possède des tensions (voir son analyse plus loin). Les deux images ci-dessous sont, à gauche sous polariseurs croisés, et à droite avec lames quart d'onde et lame de phase.

Contraintes d'un point de contact vue en polarisation croisée puis avec quart d'onde et lame de phase

À gauche, le point d'appuis est un fil de fer de 20 mm de long sur 0,5 mm de diamètre. les pressions sont exercées successivement par quelques centaines de grammes, 7 kilogrammes puis 14 kilogrammes.

À droite, le point d'appuis est presque un point puisque c'est un fil de fer de 2 mm de long sur 0,5 mm de diamètre. les pressions sont exercées successivement par quelques centaines de grammes, 5, 10 et 15 kilogrammes.

Les tensions initiales donnent cette isochrome grise en mince croissant de lune en polarisation croisée. Le seul fait de peser de quelques centaines de gramme (partie gauche de l'image) annule les contraintes sous le point d'appuis.

L'augmentation de la pression enfonce le verre dans un cône d'environ 60° sous le point de contact. Cela renforce la contrainte du bord dont le croissant de lune augmente de taille.

En polarisation croisée, les deux trais noir à 45° du point de contact sont des isoclines. Les axes de polarisations sont bien ici à 45°. L'image avec lame de phase permet de mieux analyser les couleurs pour une éventuelle quantification.

Le bloc de Suprax de 600 mm de Magnitude 78

Le miroir de 600 millimètre de diamètre de Magnitude 78 est taillé dans un bloc moulé de Suprax sans doute destiné à produire des lentilles de phares ou de projecteurs.

L'analyse de la biréfringence de ce verre a été conduite de la manière suivante. La source polarisée est un écran LCD d'ordinateur portable avec une image blanche. Elle est placée à 2 centimètres sous la face arrière finement dépolie au carbo 400. Sur l’image, on distingue les coins de l'écran lorsqu'il est au bord du verre.

Le verre du T600 de Magnitude 78

Le miroir étant plus grand que l'écran, on a tourné le miroir par pas de 45° environ. C'est ce qui explique que l'on n'observe pas la figure d'interférence des isoclines. On a recollé ensuite les images comme un puzzle.

Le dispositif d'interférométrie est constitué d'une feuille de cellophane qui fait office de lame à retard et d'un filtre polarisant tourné orthogonalement à la polarisation de l'écran. Avec le polarisant seul, l'écran apparaîtrait noir, mais grâce à la feuille de cellophane il est bleu ou bleu ciel. Il y a quelques variations dans les teintes du fait des aléas de positionnement des dispositifs.

L'évaluation des tensions du verre est accessible par la différence des couleurs entre le bleu (ou ciel) au centre du verre et le jaune clair (ou jaune paille) en périphérie. La table de Michel Lévy indique pour ces couleurs une différence de marche de 575 nm (ou 600) pour obtenir le bleu et 425nm (ou 450) pour obtenir le jaune. Soit de l'ordre de 150 nm d'écart de marche entre es deux couleurs. Cette différence de marche se manifeste essentiellement dans les 5 à 10 cm du bord du verre. Au centre il semble ne pas y avoir d'écart. À moins que ce ne soit pas aussi simple...

L'application de la formule suppose que la tension est uniforme dans le verre ce qui est une approximation, se fait avec une épaisseur de 45 mm et avec une constante de photoélasticité supposée égale à celle du verre soit 2,0 à 2,6 brewsters (selon les sources bibliographiques consultées). On trouve 1,7 à 1,3 méga pascal soit l'équivalent de 170 à 130 grammes par millimètre carré de verre. Mais une analyse en trois dimensions du système de contrainte est sans doute préférable...

Un miroir en borosilicate flotté non-recuit

Biréfringence des tensions d'un borosilicate flotté de 153 mm

Le miroir est un petit verre de la SAF de 2008. Il est taillé dans une grande feuille de verre borosilicate flotté (type Borofloat de Schott). Diamètre 153 mm. Épaisseur 25,5 mm. Creusé sphérique sur la face supérieure avec une flèche de 1,2 mm. Poli sur les deux faces et meulé sur la tranche. Les chanfreins sont d’environ 0,5 mm.

L'analyse de la biréfringence de face ne donne pas grand chose. On présente ici deux images en polarisation croisée, avec et sans lame de phase. Les couleurs et les contrastes ont été forcés pour faire apparaître les effets. À l'oeil, il faut être dans le noir et travailler avec soin pour observer les effets. On arrive à voir la croix noire des isoclines selon les directions des polariseurs. Les teintes sont plus facilement analysables sur les photos.

J'ai découvert par moi-même que c'est l'analyse par la tranche est est la plus sensible. Déjà à cause de l'épaisseur de verre qui augmente les effets de la biréfringence. Ensuite parceque c'est réellement selon cette direction que les effets des contraintes sont forts ! Il n'y a que sur ce petit verre et sur le Suprax de 600 très contraint que les effets sont un peu visible sur les faces.

Vue au niveau de la face optique

Sur la tranche, le miroir est éclairé au travers d’un filtre polarisant orienté à 45° sur l'horizontal. L'analyseur est un polarisant orthogonal avec le premier. L'image est comprimée 1/3 en largeur pour mettre en évidence les courbures des lignes de contraintes. On peut penser que les contraintes laissées par le refroidissement sont essentiellement dirigées normalement aux faces. Sauf sans doute au plus prêt de la tranche du verre.

Les tensions (et les épaisseurs de verre traversées) sont assez importantes pour créer un fort dégradé de couleur bien visible. Il n'y a aucune accentuation des couleurs lors du traitement des images. L'analyse montre que les efforts sont en dégradé depuis les faces vers le cœur du verre.

Vue au niveau de la face arrière

Deux lignes noires indiquent la position des couches de verre ni comprimée ni déprimée à l’interface entre les deux zones comprimées à l'extérieur et la zone déprimée à cœur. Sur l’image du haut, du coté de la face inférieure, l'analyse est gênée par la parallaxe de prise de vue et les réflexions rasantes des iso chromes sur la face inférieure du verre. Sur la vue du bas, l'axe de prise de vue est au ras du dessous du verre, les lignes du bas semblent légèrement cintrées vers le cœur du verre; mais moins cintrée que sous la face optique. L'ébauchage de la face optique est sans doute à l'origine de la courbure plus importante des isochromes sur cette face.

Mesure des contraintes verticales

L'analyse quantitative des contraintes normales aux surfaces donne le graphe à droite : Le profil des contraintes est en forme parabolique (courbe de tendance en noir). C'est typique des verres qui n'ont pas été recuits. Le profil est le même que le profil de température dans le verre en cours de refroidissement. Un recuit détruit la forme parabolique car il réchauffe le verre à partir des faces...

On note que la zone en dépression au centre du bloc est à 11,2 mm du bas. Ce n'est pas exactement dans le plan médian du verre. Faute d'avoir réalisé cette analyse avant l’ébauchage, on ne sait pas dire si c'est un effet de la technique de refroidissement –qui pourrait refroidir plus rapidement une des deux faces – ou un effet de l'ébauchage –qui a réduit la résistance de la face supérieure–. On semble distinguer la baisse des contraintes induite par l'ébauchage sur la face supérieure du bloc.

Mesure des contraintes horizontales

Les contraintes vont de -2,2 à 4,0 mégapascal (MPa). Ces résultats sont les valeurs moyennes sur l'épaisseur de 153 mm du verre. Comme on peut imaginer que les contraintes en périphére sont plus faibles, l'intensité de la dépression à coeur est sans doute plus importantes que la valeur de -2,2 MPa.

Comparaison des techniques

L'analyse des contraintes horizontalement dans le plan à 11,2 mm n'est pas possible sur tout le diamètre du verre. Car la forme ronde du bloc le fait se comporter en lentille. Un calcul de réfraction donne les épaisseurs de verre traversées et la distance au centre du verre. Sur le graphe des résultats à gauche, on peut distinguer un coude et des valeurs qui remontent à partir de 50 mm de rayon. On peut penser que les contraintes vont en augmentant jusqu'à la surface périphérique du bloc (courbe de tendance en pointillé bleu). Mais il faudrait plonger le bloc dans un aquarium avec un liquide d'indice proche de celui du verre pour analyser les contraintes jusqu'au bord !

La comparaison des différentes techniques d’interférence est présentée sur l'image ci-contre. On a photographié la même tranche de verre mais cette fois-ci l'axe de prise de vue est alignée sur la face inférieure avec respectivement de gauche à droite : la polarisation croisée qui donne un fond noire, la polarisation alignée qui donne un fond claire, puis croisée avec lame de cellulose avec le fond bleu et enfin alignée avec cellulose avec le fond paille. Les couleurs de fond sont visibles au dessus de chaque tranche.

Les lignes figurent les couleurs sensibles pour des biréfringences de -550 nm, 0 nm et +550 nm de la technique en polarisation croisée. Il y a un triplet sur chaque face du miroir. On observe bien que les différentes techniques donnent les mêmes mesures. Mais l’échelle de couleur de référence change selon que l'on a une polarisation croisée ou alignée; et la couleur d'origine de l’échelle change si on ajoute la feuille de cellulose.

Un miroir en borosilicate recuit vu par la tranche

Borosilicate de 254 x 28 mm recuit

Disque de borosilicate de 254 mm x 28 mm vendu par ASTAM en 2003. Le verre est très légèrement jaune vert à la lumière du jour. Il ne comportait pas de marques franches de moulage. La face arrière est presque polie et la face avant aluminée est creusée à 3,25 mm.

L'image ci-contre est une vue moitiée moitièe en polarisation croisée et alignée. L'image est compressée en largeur pour ne pas encombrer. On observe une constitution en strates avec une couche de 8 mm de tensions faibles mais alternativement positive et négatige (comme un mille feuilles) sur chaque face (zébrées) et une couche centrale de 12 mm avec un dégradé franc et coloré. On est obligé de voir dans les zones zébrées un effet de trois recuits successifs et sans doute de plus en plus court. Le premier réchauffant le verre sur 8 mm le second sur 6 et le troisième sur 4... Enfin... peut-être ! La diffusion masque l'appréciation fine de ces feuilletages.

En supposant les faces du verre à 0 nm et la zone centrale indigot dilué de vert qui lui donne un aspect bleu (indigo à 590 nm), pour un verre de 254 mm et avec un coefficient de Brewster de 2; on arrive à des écarts de tensions de l'ordre de 1,2 MPa. C'est moins que pour le 153 mm non recuit, mais surtout les tensions sont très faibles dans les couches travaillées par l'opticien. Les tensions semblent réservées à la tranche médiane du verre !

Un miroir en Pyrex moulé finement recuit

Pyrex moulé de 203 x 33 mm finement recuit
Polariseurs croisés ---- Polariseurs alignés ---- Polariseurs croisés + quart d'onde + lame phase

Disque de Pyrex de 203 mm x 33mm par Devaux-Chevet en 1979 (provenance EUA). Le verre est très légèrement jaune paille à la lumière du jour. Il comportait des traces évidentes de moulage. La face arrière est finement dépolie et la face avant aluminée est creusée à 2,0 mm.

La première image ci-contre présente une vue en polarisation croisée. Les couleurs sont entre noir et blanchâtre donc les tensions y sont faibles. Les images sont compressées d'un facteur 3 en largeur pour ne pas encombrer. On observe une constitution en strates avec trois couches de tension très faible (3 isochromes noires d'ordre zéro) et quatre couches de tension faible (isochromes blanchâtres à moins que ce ne soit des effets des surfaces du blocs). En supposant les zones noires à 0 nm et les zones plus claires en blanc pur à 260 nm, pour un verre de 200 mm d'épaisseur et avec un coefficient de Brewster de 2; on arrive à des écarts de tensions de l'ordre de 0,65 MPa. Environ 10 fois moins que dans le verre de 153 mm non recuit. L'analyse de l'image avec lames quart d'onde et lame de phase (feuille de cellophane) montre un écart entre couleurs de deuxième ordre : jeaune légèrement vert (843 nm) et rose pourpre (998 nm). Ce qui donnerait encore moins de tension.

Un miroir plan finement recuit mais pas homogène

Miroir plan moulé de 200 x 30 mm finement recuit mais pas homogène
Polariseurs croisés ---- Polariseurs croisés et lame de phase

Disque de 200 mm x 30 mm de récupération. Le verre est très légèrement jaune paille à la lumière du jour. Sans doute un Pyrex. L'observation par la tranche montre des inhomogénéités d'indice de réfraction. C'est très léger. Comme si la cuillère à touiller le verre venait juste de passer... La face arrière est finement dépolie et la face avant plane est non aluminée.

La première image est en polarisation croisée. Les couleurs sont entre noir et blanchâtre donc les tensions y sont faibles. On retrouve, bien plus lisiblemengt, les inhomogénéités vues en lumière du jour. Comme des fils en arabesques.

On observe une constitution en strates avec deux couches de tension très faible (2 isochromes noires d'ordre zéro) et deux couches de tension faible (isochromes blanchâtres). L'analyse de l'image avec lame de phase (feuille de cellophane) montre que la face optique au dessus est en compression (bleu vert) tandis que le coeur est en dépression (rose). On peut difficilement se prononcer pour la face arrière car elle est très proche de l'isochrome d'ordre zéro.

Biréfringence : Physique en vrac...

Lame retard – Lame quart d'onde – Lame de phase

Lame retard

Trois appellations différentes pour un même objet. C’est une lame de matériau biréfringent dont l’épaisseur est taillée pour créer un retard précis entre ses deux directions principales.

Elle permet de passer d'une polarisation rectiligne à une polarisation elliptique ou circulaire, et vice-versa.

La lumière entrant dans la lame peut être considérée comme si elle était la somme de deux polarisations perpendiculaires et orientées selon les axes lent et rapide. À l'intérieur de la lame, les polarisations avancent à des vitesses différentes. La lumière en sortie est la combinaison des deux polarisations. Comme l'une d'elles est arrivée en retard par rapport à l'autre, la polarisation de la lumière en sortie va tourner.

Lame quart d'onde – Lame λ/4

C’est une lame créant un retard d’environ 139 nm ou lambda sur quatre dans le visible (λ/4).

Éclairée en lumière polarisée linéairement selon un de ses axes principaux (l’axe lent ou extraordinaire comme l’axe rapide ou ordinaire), la lame retard ne modifie pas la polarisation. On parle d’axes neutres. Il y en a deux. Ils sont orthogonaux.

Éclairée en lumière polarisée linéairement à 45° de ses axes principaux, elle donne en sortie deux ondes de même intensité mais déphasées. La combinaison des deux ondes va donner une lumière de polarisation circulaire. Voir le paragraphe sur le sens de rotation des polarisations circulaires.

Éclairée en lumière polarisée linéairement selon un angle autre, elle donne une polarisation elliptique.

Lame demi onde

Biréfringence d'une lame demi onde

La lame demi onde est aussi une lame à retard mais qui déphase de 180° entre deux directions de polarisation. Éclairée en lumière polarisée linéairement à 45° de ses axes principaux, elle ne donne pas une polarisation circulaire mais fait tourner la polarisation de 90°.

Lame trois quart d’onde et autres…

Fabriquer des lames quart d’onde suppose de savoir réaliser des lames très minces et à faces bien parallèles. Polir les faces d’un matériaux très fragile en gardant un parallélisme parfait est une gageure technique, c’est pourquoi les fabricants fournissent parfois des lames nettement plus épaisses... Comment font-ils ?

Une lame d’épaisseur telle que : (Ne-No)×e = (2k+1) λ / 4, éclairée en lumière polarisée rectilignement et à 45° de ses axes neutres donnera bien une vibration polarisée circulairement. On aura juste décalé de plusieurs fois un quart d’onde.

Mais il faut distinguer les lames du type quart d’onde pour lesquelles k a une valeur paire (zéro compris donc λ/4 , 5λ/4 , 9λ/4 etc.) des lames du type trois quarts d’onde qui ont des valeurs impaires de k (3λ/4 , 7λ/4 , 11λ/4…) car lorsqu’on passe d’une λ/4 à 3λ/4, le déphasage varie de π ce qui inverse le sens de rotation.

Limites...

Le phénomène de dispersion rend l'effet des lames à retard dépendant de la longueur d'onde de la lumière. Les lames sont donc prévues pour fonctionner dans une gamme de longueur d'onde. Avec une lumière blanche, elles peuvent ne pas être parfaitement quart d’onde pour toutes les fréquences.

Indentification des lignes neutres

Il faut un polariscope avec les deux polariseurs orthogonaux. On a donc extinction de la lumière. Le fond est sombre. Entre les deux polariseurs, la lumière est polarisée rectiligne.

Lorsque l’on introduit une lame retard, ou plus généralement un échantillon biréfringent, dans le polariscope, l’extinction de la lumière disparaît. Mais on constate en faisant tourner la lame qu’il existe dans la lame deux directions orthogonales entre elles pour lesquelles l’extinction subsiste.

Ces directions particulières sont appelées lignes neutres. Leur existence prouve que selon certains axes, la direction de la vibration incidente polarisée rectiligne n’a pas changée au cours de la traversée de la lame.

Connaissant la direction du polariseur, on peut définir les directions des lignes neutres lorsque la lame est orientée en position d’extinction.

Indentification des axes lents et rapides

Il faut un polariscope en lumière blanche avec les deux polariseurs orthogonaux. On a donc extinction de la lumière. Le fond est sombre. Entre les deux polariseurs, la lumière est polarisée rectiligne.

On introduit une lame retard, ou plus généralement un échantillon biréfringent, que l’on oriente pour avoir le maximum de luminosité. Ses axes neutres sont donc à 45° des axes des polariseurs.

Maintenant, si on a de quoi réaliser un spectre de la lumière émergeant de l’analyseur, on observe le spectre. Il est cannelé, c’est-à-dire qu’il y a extinction de certaines longueurs d’ondes, car elles sont victimes d’interférences destructives.

Toutes les variations d’épaisseur optique se traduisent par des sens de déplacement des cannelures. Car, la loi générale de l’interférence dit qu’il y a interférence destructrice pour un décalage constant de Δ = k×λ . Tandis que la loi générale de la biréfringence indique que le décalage est proportionnel à l’épaisseur Δ = (No-Ne)×e . Donc si l’épaisseur augmente la longueur d’onde d’interférence destructrice augmente. La cannelure d’ordre k se déplace vers le rouge ou vers le bleu lorsque l’épaisseur augmente ou diminue respectivement.

La lame étant placée sous incidence normale dans le faisceau, on l’incline par exemple de 30° en prenant comme axe de rotation une des lignes neutres. L’épaisseur physiquement traversée par la lumière est donc augmentée de 15%.

Un certain Tutton est à l’origine de ce test. Il a constaté que l’épaisseur optique de la lame augmente lorsque la rotation se fait autour de l’une des lignes neutres alors qu’elle diminue pour l’autre ligne neutre. L’explication n’est pas triviale et je ne sais pas la retranscrire ni expliquer quel est alors l’axe lent ou rapide…

À défaut de possibilité de spectroscopie, lorsque l’épaisseur augment on se déplace vers les couleurs d’ordre supérieur de l’échelle de Newton. Ce sont les gris d’un ordre supérieur qui sont plus ternes. Tandis que lorsque l’épaisseur optique diminue, on se déplace vers les couleurs plus vives de l’échelle qui sont d’un ordre plus faible.

Sens de rotation des polarisations circulaires

Encore un truc difficile…Ce n’est pas simple à visualiser et en plus il y a différentes conventions.

Fresnel a édicté la règle suivante : Le sens de parcours d’une vibration polarisée circulairement est celui qui amène le polariseur sur l’axe lent de la lame par une rotation inférieure à 90°. Il faut noter :

Démonstration :

Le calcul est assez rapide. On note P l’axe de la polarisation et on le suppose orienté en position de 1ère bissectrice. En prenant pour référence l’axe lent, l’onde émergeant de l’axe lent est : x = a cos ωt

La vibration étant en avance sur l’autre direction : y = a cos (ωt +π / 2)

D’où dx / dt = - aω sinωt et dy /dy = - aω cosω t.

À l’instant d’émergence de l’onde, t = 0, x = a et y = 0 , l’onde circulaire notée M pour mobile. De plus dx/ dt = 0 et dy/ dt est négatif. La composante du vecteur vitesse étant orientée vers le bas, la vibration est dextrogyre.

Il semble que les anglo-saxons considèrent le sens de progrès de l’onde, celui des équations, tandis que Fresnel regarde la lame quart d’onde de face, le sens de l’expérience. On peut donc facilement dire que les anglo-saxons regardent leurs montres par derrière et elles tournent dans le sens directe (lévogyre). Tandis que le français la regarde de face et qu’elle tourne bien dans le sens des aiguilles d’une montre (dextrogyre).

Orientation d'une lame quart d'onde

Une lame quart d'onde est un matériau biréfringent qui retarde sur son axe lent de 139 nm. Pour une lumière incidente polarisée rectiligne, selon la position relative des axes lent et rapide, la polarisation circulaire en sortie sera droite ou gauche. Droite si elle tourne dans le sens trigonométrique selon l'avance de la lumière et gauche dans le sens des aiguilles des montres (celle des vis et des tire-bouchons...).

Pratiquement, si on place dans le sens trigonométrique l'axe lent (extraordinaire) puis la polarisation rectiligne puis l'axe ordinaire, l'onde émergera en circulation droite.

Mais si on tourne la lame quart d'onde de 90° ou si on la retourne face dessous, on va alors trouver successivement dans le sens trigonométrique l'axe ordinaire, puis la polarisation et enfin l'axe lent. La lumière émergera en circulation gauche.

C'est ce qui pose problème avec les polariseurs circulaires d'appareil photo. On en place un devant la lampe pour servir de polariseur et de lame quart d’onde. Cela marche, il délivre une polarisation par exemple droite. Puis on en retourne un deuxième du même fabricant et de même facture pour servir d'analyseur. Mais alors lorsque on tourne l'ensemble analyseur pour que la lame quart d'onde face office de dé rotateur, le polariseur se trouve parallèle et non plus croisé. Toute la lumière passe et on se trouve en champ clair. Ce qui n'est pas optimum, ne serait-ce que pour régler l’orthogonalité des deux polariseurs, car le contraste est moins franc.

Échelle de teintes de Newton et de Michel-Lévy

Les teintes de Newton sont celles des bulles de savon, des anneaux de Newton et des coins d'air de l'interféromètre de Michelson.

Dans tous les cas, les teintes sont produites par interférence entre la lumière réfléchie sur une première surface (par exemple l’extérieur de la bulle de savon) et la lumière qui va se réfléchir sur la deuxième qui est toute proche (par exemple l’intérieure de la bulle de savon). Les deux reflets ont une très petite différence de marche. L’une se retrouvent donc légèrement en retard par rapport à l'autre ce qui produit une interférence. L'addition des interférences sur toutes les ondes de la lumière blanche produit une modification de la couleur perçue.

L'échelle de teintes de Newton (graduation de 500 nm)
Pour accéder à une version html:  

Sur l'image ci-dessus, figure en haut l'échelle de teintes commençant au noir à gauche. C'est la teinte des interférences pour une différence de marche nulle, pour une lame de savon d'épaisseur nulle, pour une lame d'air d'épaisseur nulle, … L'échelle des teintes commençant au blanc est aussi représentée en bas.

Si la distance entre les surfaces réfléchissantes est grande, ou si la peau de la bulle est très épaisse, les teintes sont celles de la droite de l'échelle ci-dessus. Les couleurs sont rose et vert grisé voir gris uniforme. On parle de gris d'ordre supérieur. Plus la peau de la bulle de savon est fine et plus les couleurs sont vives. C'est la partie gauche de l'échelle ci-dessus.

Bulle d’eau épaisse et turbulente
Bulle d’huile à la limite de la rupture

Lorsque la bulle vieillie, l'eau s'écoule vers le bas de la bulle entre les deux surfaces de la peau. L’écoulement n’est pas toujours uniforme. Les turbulences créent des variations d’épaisseurs visibles par les différences de couleur. Progressivement, l'épaisseur de la peau se réduit en partie haute de la bulle. Lorsque l'épaisseur est presque nulle, on arrive à voir que les reflets passent au blanc brillant puis au noir pour une épaisseur quasi nulle et la bulle éclate.

Ce sont aussi les teintes que l'on peut voir dans les anneaux de Newton qui se forment lorsque deux lames de verres se collent l'une à l'autre. Ce sont aussi celles que l'on observe dans un interféromètre de Michelson lorsque on fait passer de la lumière blanche au travers d'un coin d'air.

La simple observation des couleurs permet de mesurer quantitativement des épaisseurs. L'épaisseur des bulles de savon, mais surtout celles des lames d'air à l'interféromètre. La table de correspondance entre épaisseur et couleur est la suivante. La seule subtilité de cette table est de bien faire la différence entre l'épaisseur et la différence de parcours. Car l'épaisseur est traversée deux fois par la lumière ce qui donne un parcours double de l'épaisseur.

Approche par calcul de l'échelle des couleurs de biréfringence
Graduation par 100 nm à partir de l'ordre 0 à gauche
En haut pour polariseurs croisés et en bas alignés
Pour accéder à une version html:  

Les échelles de teintes ont été réalisées en calculant l'interférence d'une lumière blanche. Toutefois la transformation du résultat de calcul en teinte RVB n'est pas triviale. On ne trouve nul par sur Internet un document complet expliquant comment faire ça proprement. C'est donc un sujet en soi qui ne sera pas détaillé ici. Il a été fait des choix de conversion. L'échelle obtenue et visualisée sur l'ordinateur de l'auteur ressemble aux teintes obtenues lors des expérimentations faites avec ce même ordinateur comme source de lumière blanche. Rien ne permet d'affirmer que l'échelle de couleur est vraiment juste, ni qu’elle sera bien restituée sur un autre écran...

L'échelle de Michel-Lévy agrandie sur deux ordres
Image de grande taille 600x2600 jpg 230 ko  

Le dégradé de couleur obtenu par interférométrie en lumière blanche d'un matériau biréfringent peut être analysé grâce à l'échelle de couleur de Auguste Michel-Lévy. C'est la même échelle que celle de Newton ! On n'utilise toutefois que les couleurs bien contrastées. Celles des premiers ordres. Je conseil d'utiliser l'échelle de Michel-Lévy ou le tableau des couleurs. Le lien de l'image ci-dessous donne une photo en haute résolution pour une bonne lisibilité des textes. Le nom des couleurs est sans doute ce qui permet de travailler avec le plus d'exactitude.

Le tableau des couleurs sur 3 ordres
Avec un agencement personnel par pas de 25 nm

On constate que le rendu sur écran d'ordinateur est un peu différent des photos du tableau publié en 1888 par Michel-Lévy. Par exemple on n'a pas sur l'écran beaucoup de rouges. On passe trop vite ou trop tôt de orange à pourpre. Il faut donc lire les couleurs sur ces échelles calculées avec prudence, etc. Toutefois la comparaison de ces dégradés calculés avec des observations de biréfringence (réalisée avec le même écran d'ordinateur comme source blanche) laisse penser que c'est assez réaliste.

Ordre de grandeur des tensions d'un verre

Un petit calcul permet d'avoir des ordres de grandeurs simples pour les verres.

Une différence de marche d'un ordre, soit 560 nanomètres dans un verre de 25 millimètres d'épaisseur est produite par une tension d’environ 10 méga pascals équivalente à 1 kilogramme par millimètres carrés.

Pour deux ordres, soit 1120 nm, il faut deux fois plus de tension, soit environ 20 MPa.

Pour un ordre dans 100 mm de verre, il faut quatre fois moins de tension soit 2,5 MPa.

L’histoire de cette partie de la science

Étienne Louis Malus

Français Ingénieur Physicien Mathématicien 1775-1812

Ses travaux sur la transmission des ondes dans les polarisants ont donné la loi de Malus qui exprime que l’intensité d’une lumière polarisée transmise par un polarisant varie avec le cosinus carré de l’angle entre les deux directions de polarisation.

On peut en déduire qu’en théorie un polarisant laisse passer la moitié de l’intensité d’une lumière polarisée de manière aléatoire.

Dans la pratique, un polarisant réalisé avec un film polaroïd ne transmet que 38% de la lumière (Il faut utiliser des systèmes à prisme biréfringent pour atteindre 49,9% de transmission). De plus les polarisants en polaroïd laissent passer environ 0,2% de lumière non polarisée.

Augustin Fresnel

Français Physicien 1788-1827

Il expérimente les interférences et met en place la notion de longueur d'onde. Il est le premier à prouver que deux faisceaux de lumière polarisés dans des plans différents n’ont pas d’interférences. Ce dont il déduit que le mouvement ondulatoire de la lumière polarisée est transversal et non longitudinal. Il est le premier à produire une lumière à polarisation circulaire. Ses formules, dites de Fresnel, sur la réfraction sont toujours utilisées.

Fresnel invente la lentille à échelon utilisée initialement accroître la luminosité des phares maritimes. On utilise maintenant cette technique pour réaliser des systèmes optiques sans épaisseur.

David Brewster

Écossais Physicien et "Sir" 1781-1868

Il analyse les réflexions vitreuses et les phénomènes de polarisation par réflexion. Il étudie les propriétés polarisantes des cristaux d’herapathite.

James Clerk Maxwell

Écossais Physicien Mathématicien 1831-1879

Bien connu pour ses équations qui unifient l'électricité, le magnétisme et l'induction. Il a montré que la lumière se propage dans l’espace sous la forme de champs électrique et magnétique. Il est également connu pour avoir réalisé la première photographie en vraie couleur en 1861.

Pour la biréfringence, Maxwell a déterminé les lois liant les indices aux contraintes. Les directions principales de l’ellipsoïde des indices coïncident avec les directions principales de contraintes. Dans le cas bidimensionnel (matériaux uniaxe) :

d’où :

C est nommée constante de photoélasticité Elle peut s’exprimer en Brewster.

Le tableau suivant donne quelques ordres de grandeur :

MatériauConstante de photoélasticité
en Brewster
Verre2,0 à 2,6
Plexiglas
(Polyméthacrylate de méthyle)
4
Araldite
(polyépoxyde)
55
Lexan
(polycarbonate)
78
Certains polyesters182
Certains polyuréthanes3200

Auguste Michel-Lévy

Français Géologue 1844-1911

Le “Tableau Des Biréfringences” fut publié pour la première fois en 1888 à Paris dans l’ouvrage : Les minéraux des roches de Michel-Lévy et Lacroix. Il se présente sous la forme d’une lithographie couleur d’environ 70 x 45 cm. Voir la reproduction en entier et le détail ci-dessous.

Tableau original de Michel Lévy publié en 1888 avec une vue de détail

Les vignettes ci-contre ont vu leurs couleurs et leurs contrastes rehaussés pour corriger les effets du vieillissement.

Le tableau a été publié en 1888 dans sa forme achevée et définitive. Les tableaux utilisés de nos jours ne montrent rien de plus. On peut y lire l'épaisseur de l'échantillon en ordonnée de 0 à 0,060 mm (ou 60 µm ou 60 microns), en abscisse les couleurs d'interférence. En abscisse supérieure les noms des minéraux avec la différence d'indice de réfraction entre les axes principaux de 0,000 à 0,040. Il y a des traits en diagonal qui joignent les noms des minéraux en abscisse haute et l'origine des axes. Ce qui permet de lire la couleur de chaque minéral pour des épaisseurs plus petites des échantillons.

L'échelle colorée du haut donne les couleurs, les noms des couleurs les plus reconnaissables et les retards en nanomètres de 0 à 2400 nm.

Par exemple pour les quarts, les gypses et les corindons, la différence d'indice est de 0,009, la biréfringence est de 536 nanomètres pour un échantillon de 60 microns, la couleur est qualifiée de "rouge chaud".

Ce type de tableau permet de travailler avec trois grandeurs : La couleur de biréfringence, la différence d'indice et l'épaisseur de l'échantillon. Par exemple, des techniques optiques permettent de mesurer les indices de réfraction ordinaire et extraordinaire ce qui permet ensuite de déduire l'épaisseur des échantillons en observant leur couleur. Tandis que pour les météorites on réalise des tranches minces d'épaisseur définie; l'analyse de la couleur permet alors de reconnaître les biréfringences et de remonter à la nature du minéral.

Dans le tableau de Miche-Lévy, on distingue dans les couleurs les éléments suivants : Pour une biréfringence nulle, on parle de « noir d'ordre zéro ». Pour des biréfringences entre 0 et environ 550 nm, on parle de « Couleur de polarisation de premier ordre ». Pour le magenta de 550 nm de « Rouge de premier ordre ». Les couleurs entre 550 et 1100 nm sont dénommées « couleurs de deuxième ordre ». Les couleurs de 550 nm, de 1100 nm et ainsi de suite sont nommées les « teintes sensibles »; elles correspondent à un basculement de teinte plutôt rouge à plutôt bleu et aussi à une diminution de luminosité.

Alfred Edwin Howard Tutton

Anglais Chimiste 1864-1938

Il étudia des sels de sulfate hexa-hydraté dont certains portent son nom, étudia les propriétés des oxydes de phosphore, les dilatations des céramiques, … Il fut un des grands spécialistes de la cristallographie. Il a laissé son nom au test de Tutton qui permet de différencier les axes lent et rapide des milieux biréfringents.

Technique en vrac

Utilisation de la biréfringence pour analyser les roches

La manière de reconnaître une roche par biréfringence comporte deux astuces qu'il faut connaître.

Tableau composé à partir de la documentation Zeiss

On place l'échantillon d'épaisseur connue entre deux polariseurs croisés. L'échantillon est préparé par taille avec des scies diamantées puis polissage. On procède sous binoculaire ou microscope. Les fabricants de microscopes fournissent des polariseurs intégrés et des chartes colorées de biréfringence. Celle de Zeiss sur l'extrait ci-contre reproduit mal les jaunes. Peut-être un défaut du format pdf mis en ligne...

Première astuce, il faut tourner l'échantillon sous le microscope pour chaque grain de minéral à analyser. Car il faut orienter les axes du grain à 45° des axes des polariseurs. Cette opération n'est pas la plus précise, car il faut apprécier la luminosité de la teinte selon la rotation. La luminosité est maximale à 45° des polariseurs, elle est nulle sur les axes des polariseurs. L'oeil a parfois l'impression de voir des variations de teintes.

On peut alors reconnaître la teinte sur le tableau de Michel-Lévy.

Deuxième astuce, la couleur peut être plus ou moins distincte ou précise à l'oeil. Car il y a dans le tableau de Michel-Lévy des zones ou la biréfringence varie alors que les teintes restent très proches. Il faut alors utiliser des lames à retard en les ajoutant dans le polariscope. On peut alors refaire la mesure décalée d'une valeur connue, ce qui peut déplacer les couleurs à un autre emplacement du tableau où elles peuvent être plus facilement discriminées.

La partie la plus sensible du tableau est autour de 550 nm de biréfringence. Dans cette zone, une faible variation de biréfringence va produire un fort changement de couleur. Pour cette raison les fabricants de microscope proposent une lame de retard d'une longueur d'onde dit compensateur rouge de premier ordre.

Pour l'analyse de la biréfringence accidentelle des verres de miroir, lorsque les tensions sont faibles, elles peuvent être difficile à apprécier. Il peut alors être plus intéressant de disposer d'une lame de retard pour décaler le résultat dans une zone de variation de couleur plus sensible. Cela peut se faire avec une lame d'onde très précise et très chère.... Mais cela peut aussi se faire avec une feuille de cellophane plus facile à trouver...

Les filtres polarisant photographiques

À l'origine le filtre polarisant était linéaire

Sous certains angles, la lumière qui est diffusée dans l’atmosphère ou qui est réfléchie sur certains objets (l’eau, le verre, les feuilles des arbres, etc.) est plus ou moins polarisée. Les photographes utilisent cette propriété. En plaçant un filtre polarisant devant l’objectif et en le tournant de manière approprié, ils peuvent empêcher les lumières polarisées de rentrer dans l’appareil photo. Les images du ciel ont alors des bleus plus saturés car elles sont moins délavées par la diffusion. Les images de la mer et des objets sont plus contrastées et plus lisibles car moins encombrées de reflets brillants.

Depuis les appareils photographiques à plaques jusqu’aux premières générations d’appareils réflexes les opticiens ont fabriqué des filtres polarisant pour les photographes. On parle de filtre polarisant linéaire car la lumière qu’ils laissent entrer dans l’objectif est polarisée linéairement selon l’axe du polarisant. Ils sont montés sur une bague tournante permettant de régler leur orientation. En orientant le polariseur orthogonalement à la polarisation des reflets et diffusions on élimine les rayonnements polarisés.

On peut utiliser ces filtres pour construire des analyseurs de biréfringence. Ils sont parfaits. Mais il ne s’en fabrique quasiment plus. C’est le progrès !

Mais il y a un problème : le progrès...

On a vu apparaître des miroirs semi réfléchissants dans les appareils photos. Cela a permis aux constructeurs de placer les cellules de posemètres et les détecteurs de mise au point derrière. Or certains de ces miroirs ont la particularité de ne pas laisser passer la lumière sous certains angles de polarisation. Ils se comportent comme des polarisants. Pour certaines orientations du polariseur à l’avant de l’objectif les capteurs peuvent donc être totalement obscurcis.

Il a donc fallut inventer le filtre polarisant circulaire

Les opticiens ont résolu le problème en ajoutant une lame à retard quart d’onde derrière le polariseur. Elle se trouve donc entre le polariseur et l’objectif. L’ensemble est intimement accouplé. Le tout est plus épais que pourrait être un polarisant simple.

La lame est faite avec un matériau biréfringent dont les axes principaux sont orientés à 45° du polarisant. Voir les paragraphes expliquant la biréfringence et les lames à retard. L’onde sortant de la lame et qui entre dans l’objectif est donc l’addition de deux ondes dont l’une est retardée d’un quart de phase. Elle est donc en polarisation circulaire.

Comme toutes les lames biréfringentes, le retard est plus ou moins influencé par la longueur d’onde de la lumière. S’ajoute à cela les aléa de positionnement des axes de la lame quart d’onde par rapport à l’axe du polariseur. Il faut que l’angle soit précisément de 45°. Il se peut donc que la polarisation ne soit pas exactement circulaire mais légèrement elliptique pour certaines couleurs du spectre. La lumière transmise aux capteurs du posemètre par les miroirs semi réfléchissants peut donc varier légèrement en intensité et en chromatisme selon l’orientation du filtre. Toutefois lorsque ces variations sont assez faibles, elles ne perturbent pas l’analyse du temps de pose.

On peut utiliser ces filtres polarisants circulaires pour construire des analyseurs de biréfringence. Ils sont parfaits, on en trouve chez les marchands d’appareils photographiques, mais il faut les retourner dans le bon sens.

Reste à savoir dans quel sens le retourner

Lorsque l’on utilise un filtre polarisant du commerce, donc circulaire, pour polariser rectilignement la lumière allant vers l’échantillon il faut retourner le filtre pour mettre la lame à retard coté lampe et le polariseur coté échantillon. Ainsi la lumière venant de la source est mise en polarisation circulaire (Ce qui n’a ni intérêt ni effet sensible.) puis elle est polarisée linéairement avant d’aller l’échantillon.

Lorsque l’on utilise un filtre polarisant circulaire pour analyser la lumière, polarisée rectilignement, venant de l’échantillon, il faut placer la lame retard côté observateur ou coté appareil photo. Pour l’appareil, il suffit de visser le filtre sur l’objectif comme c’est prévu par le fabricant. Ainsi la lumière venant de l’échantillon est bien analysée par le polariseur. Elle est ensuite polarisée circulairement pour aller vers l’œil de l’observateur (Ce qui n’a pas d’intérêt ni d’effet pour un oeil.).

Si on a un doute sur le coté du filtre qui comporte la lame retard, il faut regarder une source de lumière polarisée au travers du filtre (écran à cristaux liquides des ordinateurs ou des téléphones cellulaires, reflet sur l’eau, …). Lorsque le polarisant est du coté de la source de lumière polarisée, il fait son effet et coupe la lumière selon une orientation. Tandis que si la lame à retard est face à la source polarisée, elle va la transformer en une onde à polarisation circulaire qui n’est alors plus atténuée par le polarisant quelque soit son orientation.

Polaroïd

Un polarisant ou filtre polarisant est souvent appelé « Polaroïd ».

Le polaroïd est une marque déposée de la firme américaine 'Polaroid Corporation'. Les brevets ont été déposés en 1929, 1932 puis 1938 par Edwin H. Land. Il y a des produits concurrents.

Le polaroïd original est un film polymère de type cellulose incorporant des cristaux d’herapathite en forme d’aiguilles qui sont alignés à la fabrication par étirage ou champ électrique (La découverte semble due à l’ajout d’iode dans les urines de chiens dopés à la quinine !). Les cristaux verts qui en résultent sont polarisants. Il a existé des monocristaux géants d’herapathite qui, taillés en lame, faisaient des filtres commercialisés par Zeiss. Mais la technique s’est perdue.

Il existe maintenant des films en polymère d’alcool polyvinylique dopé à l’iode dont les chaînes sont alignées à la fabrication. L’iode tend à rendre les macro molécules conductrices selon leur longueur. La lumière polarisée perpendiculairement aux cristaux ou aux chaînes est transmise avec une faible absorption. La lumière polarisée parallèlement aux chaînes est absorbée.

Les feuilles polaroïd sont utilisées dans des écrans à cristaux liquides (LCD), des microscopes optiques, des lunettes stéréoscopiques, et même dans des lunettes de soleil.

Dans la pratique, un polarisant réalisé avec un film polaroïd ne transmet que 38% de la lumière et pas 50%. Il faut utiliser des systèmes à prisme biréfringent pour atteindre 49,9% de transmission. De plus les polarisants en polaroïd laissent passer environ 0,2% de lumière non polarisée.

Les filtres polarisant pour appareil photo sont hélas maintenant tous collés sur une lame quart d’onde pour faire polarisant circulaire. Il faut le prendre en compte pour s’en servir correctement. Mais il y a des fabricants de lunettes de Soleil qui font des polarisants simples.

Écrans à cristaux liquides

Spectres de diverses sources lumineuses
En haut l'écran LCD de mon ordinateur
Ensuite une tablette pour diapositives
En bas une lampe à LED très récente

Les écrans à cristaux liquides sont éclairés par derrière avec des lampes à fluorescence. Elles rayonnent seulement selon les longueurs d'ondes des matériaux utilisés et en fonction de leurs quantités respectives. L'image ci-contre comporte une photographie du spectre de mon écran. Le capteur de l'appareil photo, le traitement RVB et mon écran d'affichage ne me restituent pas exactement les couleurs visibles à l'oeil nu. En particulier le turquoise est ici rendu en cyan, le violet est rendu bleu, et l'indigo presque imperceptible est ici rendu pourpre bien trop lumineux...

Autre exemple des difficultés à restituer les couleurs réelles sur un écran d'ordinateur, sur le spectre de la lampe à LED, la zone des jaune-vert, jaune et jaune doré, bien visible à l'oeil est ici totalement noyé, soit vert soit orange.

Spectre fourni par un fabricant de lampe à LED

On peut raisonnablement disposer sur un écran à cristaux liquide de la panoplie suivante : rouge, ambre, vert, turquoise et violet. Ce n'est pas le rouge vert bleu attendu selon la théorie de la trichromie. Les bases rouge et bleu sont composées avec plusieurs fluorescences sans doute pour obtenir plus de lumière. Sur un écran il n'y a pas les couleurs de transitions comme le jaune et le cyan. Avec les lampes à fluorescence et autres diodes blanches maintenant très répandues pour l'éclairage, il y a parfois des couleurs en plus comme le cyan et des spectres plus continus.

Lame quart d'onde de fortune

On peut réussir à extraire une lame quart d’onde d’un filtre polarisant circulaire du commerce. Je détaille ici ce que j’ai constaté et comment j’ai procédé.

Le filtre que j’ai démonté comportait un paquet fixé dans une bague permettant le vissage sur l’objectif d’appareil photo. Le paquet s’extrait facilement par dévissage d’une bague (sur un autre modèle il faut retirer un ressort circulaire).

La lame quart d'onde obtenue
Ici montée sur carton
Avec repérage des axes

Le paquet est constitué de deux feuilles de verre de 1,2 à 1,3 mm d’épaisseur chacune prenant en sandwich deux disques de plus petit diamètre (1 mm de moins sur le rayon). Les verres sont de bonne qualité.

Les deux disques intérieurs sont une lame quart d’onde de 0,2 mm et un film polarisant d’environ 0,1 mm. L’ensemble est encollé. L’espace entre les verres et autour des disques est noyé de résine. Sans doute pour protéger la lame et le film d’une attaque chimique.

La résine se retire à l’acétone. Les colles des disques sont sensibles à l’acétone, mais la surface d’attaque par la tranche est insuffisante. Même après une semaine dans l’acétone, elle résiste.

J’ai cuit plusieurs minutes les colles dans l’eau bouillante. Faute de résultat j’ai cyclé le paquet entre eau bouillante et eau froide. Cela contraint et dégrade les matériaux jusqu’à démarrer un décollement entre le verre et le polarisant. Le film polarisant s’arrache ensuite facilement de la lame quart d’onde. Cette dernière peut aussi être arrachée du verre.

La lame quart d’onde se dégrade à l’acétone et est endommagée par les efforts d'arrachage. Il semble qu’elle soit constituée d’un matériaux quart d’onde noyé dans un plastique, ou préencollé entre deux feuilles de plastique…

La lame obtenue est un peu endommagée. Mais avec une telle lame on peut régler finement l'orientation et faire divers essais.

Cellophane

Invention du Suisse Jacques Brandenberger en 1908. Contraction de cellulose et de diaphane (translucide). La cellophane fût fabriquée par la société La Cellophane dès 1920 en son usine de Mantes la Ville (Yvelines France), puis vers 1924 par Du Pont aux États-Unis.

Effets de biréfringence dans de la cellophane
pliée en cocotte et vue sous polariseurs croisés

Le cœur du processus de fabrication consiste à dissoudre des fibres de bois ou de coton (cellulose) dans de la soude. On obtient une solution colloïdale de viscose. Puis on l’extrude en film mince à travers une fente étroite dans un bain d'acide sulfurique qui reconvertit la viscose en cellulose sous forme d’hydrate de cellulose. De la même manière mais avec des trous, on fabrique la rayonne.

Matériau biodégradable, étanche à l’air, aux graisses, aux huiles et aux micro-organismes. À l'époque de sa découverte il n'y avait pas d'autre matériau souple et parfaitement transparent. Le film est très utilisé pour les emballages alimentaires et pour fermer les pots de confiture. La cellophane laisse passer l’humidité d’où son utilisation pour emballer les cigares. Mais on sait appliquer des revêtements pour la rendre résistante à l’humidité.

Les feuilles de cellophane, sont fabriquées par un étirement qui a pour conséquence d'aligner les molécules polymères et de créer une anisotropie d’indice et donc de la biréfringence.

Pour de petites surfaces, on peut découper dans les paquets de pâtes ou de biscuits. Pour de plus grandes surfaces on peut prendre les feuilles des pots de confiture. Pour des mètres carrés il y a les emballages de bouquets des fleuristes. Mais dans tous les cas les aléas de fabrication ne permettent pas d’avoir une biréfringence bien uniforme. Au mieux on a une couleur uniforme sur environ 10 centimètres carrés.


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