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Comment voir si l’usine marche ?

Un truc intéressant dans la surveillance radiologique de l’usine de retraitement de JNFL à Rokkasho-Mura au Japon.

Présentation de JNFL

Logo de JNFLJNFL est l’acronyme de : Japan Nuclear Fuel Limited pour : Société anonyme japonaise du combustible nucléaire. Il semble que cela se prononce en Japonais : Nihon gen-nen !

JNFL est une entreprise semble-t-il public financée par les exploitants des centrales nucléaires du Japon afin de gérer en commun la fabrication du combustible nucléaire neuf, le retraitement et le recyclage des combustibles nucléaires usés.

L'usine de JNFL à Rokkasho-Mura

JNFL a fait construire et exploite plusieurs usines sur le site de Rokkasho-Mura dans le nord est de la préfecture d’Aomori au nord du Japon. Le site tire son nom du village de Rokkasho qui se trouve à trente minutes en voiture de l’aéroport de Misawa. On trouve sur ce site une usine d’enrichissement d’uranium par centrifugation (démarrée en mars 1992), un stockage définitif de déchets nucléaires de faible activité (démarré en décembre 1992), un stockage de déchets nucléaires de forte activité (démarré en avril 1995) et une usine de retraitement des combustibles nucléaires usés (démarrage chimique en novembre 2002, démarrage en uranium en décembre 2004, démarrage des essais actif en mars 2006, et en attente de démarrage commercial vers fin 2008).

Il est envisagé d’y installer une usine de recyclage du plutonium sous forme de combustible MOx.

Il faut noter que l’usine de retraitement est presque entièrement de technologie Française : Cocorico ! De plus toutes ces technologies Françaises ont été testées avec succès : Cocorico ! Elles n'attendent plus que d'être exploitées à plein : Bientôt...

Situation de l'usine JNFL

On notera que le coin est encombré puisque l’on trouve à moins de 50 km à la ronde, un stockage stratégique de pétrole (le Japon est très dépendant de la sécurité des voies maritimes vers le golf persique…), un champ d’éoliennes et enfin une base d’écoute, de radar et de bombardiers impériaux. Tout cela est bien visible sur les images des satellites accessibles en ligne.

Le site Internet de JNFL

JNFL entretient un site Internet d’information du public. La page d’accueil en japonais est à l’adresse : http:// www. jnfl.co.jp   La page d’accueil en anglais n’apporte que des traductions des principaux communiqués de presse. Il n’y a pas de page d’accueil en français. Ce qui est curieux vu que même la mairie de la ville voisine a mis ses pages en français… À voir sur : http:// www. net.pref.aomori.jp / misawa / francais / index.html

Le site est réellement fait pour informer le public

Sur le site de JNFL, les pages sur la surveillance de la radioactivité du site sont fort didactiques. Elles sont faites pour le plus large public. JNFL y présente le relevé des mesures de radioactivité dans l’environnement du site. Il est ainsi permis de vérifier si les rejets de l’usine sont dans les limites acceptées.

Malgré les idéogrammes et moyennant quelques tâtonnements, on trouve quatre pages réactualisées presque en temps réel, avec les mesures de la radioactivité autour du site.

La page d’aiguillage est à l’adresse : http :// www. jnfl.co.jp / monitoring

La page d'aiguillage de la surveillance de l'usine JNFL

On trouve à gauche une image qui souhaite faire comprendre que JNFL (le petit bonhomme de dos au garde-à-vous) présente humblement aux élus et aux familles ses bons résultats de mesure. À droite une liste de liens permettant d’accéder aux résultats et relevés.

Les liens de haut en bas sur la droite de la page :

La page sur l’irradiation gamma sur le site

En sélectionnant, par exemple, le premier point, on arrive sur la page des mesures du rayonnement gamma ambiant.

L’adresse de la page est : http:// www. jnfl.co.jp / monitoring / spatial.html

Le suivi de l'irradiation naturelle gamma

Il y a une FAQ

Sur la gauche de la page l’accès à des réponses pour les questions les plus fréquemment posées. Sur la droite en haut la redirection vers les autres pages des relevés : Clôture et périphérie du site (repérés par Border line of site and outskirts avec en dessous de gauche à droite les liens d’accès aux relevés d’ambiance, de gaz et de poussières) et bâtiments (repérés par Facilities avec en dessous l’accès aux relevés dans la cheminée et sur les bâtiments).

Il y a une carte des points surveillés sur le site

En dessous la carte du site avec l’océan pacifique (Pacific Ocean), le marais salant au milieu du site (Obuchi marsh), l’usine d’enrichissement (Enrichment and low level disposal) au nord du site et l’usine de retraitement (Reprocessing) à l’ouest du site. Chaque petit drapeau figure le lieu de mesure donne son résultat. Les mesures sont mises en ligne avec environs trois quart d’heure de retard.

Tous les résultats sont en nano gray par heure

Les appareils donnent des résultats en gray par heure (symbole : Gy/h) ou en ses sous-multiples. L’unité la plus appropriée pour la radioactivité naturelle –qui est très faible– est le nano gray par heure (symbole : nGy/h). C’est la milliardième partie du gray. Les relevés autour du site sont usuellement autour de vingt nano gray par heure (noté : 20 nGy/h).

En une année, du fait de la radioactivité naturelle, une personne intègre donc vingt nano gray par heure fois vingt-quatre heure par jour fois trois cent soixante cinq jours par an, soit cent soixante quinze micro gray par an (noté 175 µGy/an ou 0,175 mGy/an).

Mon avis : C’est moins dangereux qu’à Paris !

Curieusement, ces valeurs sont 4 fois plus faibles par rapport aux mêmes relevés effectués à Paris. J’ai beau savoir que la radioactivité ambiante est très variable à la surface de la terre, ce résultat me semble faible. Le seul endroit que je connaisse, où j’ai constaté une radioactivité ambiante quatre fois plus faible qu’à Paris est l’atoll de Mururoa ! J’enquête…

La page intéressante sur les gaz radioactifs

Pourquoi il y en a ?

On sait qu’une usine de retraite de combustible nucléaire en fonctionnement produit du krypton-85. C’est un gaz radioactif contenu dans les combustibles nucléaires usés. Il est inerte chimiquement, on ne peut donc pas le faire réagir pour le piéger et l’empêcher de sortir. Concrètement, il se trouve dilué avec l’ensemble de l’air de ventilation collecté dans toute l’usine, il est aussi soigneusement filtré, mais il finit par être rejeté à la cheminée.

C’est pourquoi la page des mesures sur les toits et dans la cheminé de l’usine est particulièrement intéressante, car elle présente le comptage quasiment en temps réel de l’activité des gaz rejetés par la grande cheminée.

L’adresse de la page est : http:// www. jnfl.co.jp / monitoring / shaft.html

Le suivi du krypton à la cheminée

Elle présente un plan du site comme les autres pages de relevés. Les flèches indiquent le sens du vent. La force du vent est indiquée en dessous du dessin. Chaque petit drapeau indique un point de mesure. La mesure de la cheminée est repérée A1.

La mesure du krypton-85 : le premier graphique présenté

Le premier graphique en dessous du plan est le tracé des résultats de la mesure krypton-85, minute par minute. En hiver le japon a huit heures d’avances sur la France et en été seulement sept. Les mesures sont affichées environ quarante cinq minutes après la mesure.

On y voit un petit trait vert qui oscille parfois entre 0 et 4000. Quand il n’y a pas de gaz radioactifs, le trait est à zéro. Mais quand il y a de la radioactivité à la cheminée, le signal décolle du zéro.

Comment décoder ?

Sachant comment fonctionne le retraitement, chaque fois que l’usine retraite un assemblage combustible on doit observer quelques minutes après une bouffée de krypton-85 à la cheminée. Le signal passe d’environ zéro à environ 4000 puis redescend. Le début de la bosse correspond au début du cisaillage et de la dissolution du combustible. La dissolution chimique du combustible va libérer le gaz en quelques minutes. Lorsque le cisaillage et la dissolution s’achèvent, le gaz a été totalement libéré et le signal retourne à zéro.

C’est là que l’étonnement est grand : On arrive à voir les cadences de l’usine en direct sur Internet ! Les Japonais sont vraiment très transparent vis-à-vis de la population.

Détails supplémentaires

Pour être plus précis un assemblage combustible de petite taille (provenant des centrales de type REB, très fréquentes au Japon) est cisaillé, dissout et traité en environs une heure. On a donc une bosse sur le tracé toutes les heures si l’usine marche bien.

Tandis qu’un assemblage combustible de grande taille (provenant des centrales de type REP, un peu moins fréquentes au Japon) est cisaillé et dissout en trois fois. On a donc trois bosses par combustibles et en toute logique elles devraient être espacée d’un peu moins d’une heure.

Les unités sont des coups par minute (symbole : cpm). Attention car on est plus habitué en France aux coups par seconde (symbole : cps). La transposition des coups en unité plus physique, par exemple en activité pour comparer avec les limites de rejets autorisés, n’est pas simple. Les coups sont un peu comme les graduations d’une règle. Pour mesurer une longueur, il faut d’abord savoir si les graduations sont des millimètres, des centimètres, des pouces ou des trente-deuxièmes de pouce… Ici, c’est la limite de rejet qui a été traduite en coups par minute. Elle est indiquée sur le tracé à 81 000 cpm.

La flèche en dessous à gauche du tracé permet de remonter dans le temps pour avoir les enregistrements des sept jours précédents.

Et alors ?

Ce n’est pas l’objet de cette page de parler des conséquences pour l’homme, mais comme c’est un souci légitime et fréquent, j’en dis un mot. Il n’engage que moi et je ne suis pas omniscient…

Le gaz krypton-85 fait parti des rejets radioactifs des usines de retraitement. Techniquement, il est quasi impossible (entendez vraiment hors de prix) de l’empêcher de s’échapper. Par comparaison, personne n’a encore proposé de récupérer les deux principaux gaz à effet de serre qui constituent l’essentiel des gaz d’échappement des voitures. Et pourtant, techniquement on sait faire –pas trop cher– et on le fait déjà –parfois– pour mesurer les paramètres de pollution des véhicules…

En faible quantité dans l'air, le krypton 85 n'est pas dangereux. Il n'a pas d'odeur, ni de couleur. Il n'est pas agressif, ni corrosif chimiquement. J'insiste sur ce point car c'est la raison pour laquelle les autorités autorisent son rejet dans l'atmosphère. Sinon ce serait interdit. Mais c'est un peu comme les gaz d'échappement des voitures : Un peu, ça va! Encore faut-il ne pas respirer que ça...

On sait que s’il était en forte quantité dans l’air, le krypton-85 induirait des cancers et en particulier des cancers du poumon.

Dans certains pays (entendez : pas tous !) :

le krypton-85 est étroitement surveillé et réglementé.

Donc au Japon, comme en France, on s’arrange pour ne pas induire de risque pour les personnes travaillant dans l’usine, ni pour celles vivant au voisinage du site, ni pour celles vivant loin du site. Donc on cherche à vérifier, surveiller, mesurer et contrôler. Donc enfin on démontre et on présente des résultats à qui de droit.

Il en résulte pour nos pays que la principale cause de cancer du poumon est la consommation de tabac. Fumer est une prise de risque ! Respirer la fumée de tabac est une prise de risque! Sauf erreur et bien que n’étant pas compétent en cette matière, je crois savoir que l’on commence à s’intéresser à cette prise de risque.

La seconde cause de cancer du poumon (certains ajoutent : juste derrière !) est la radioactivité naturelle de l’air liée à la présence de radon. Respirer de l’air pur est une prise de risque ! Respirer de l’air naturel est une prise de risque ! Sauf erreur et bien que n’étant pas compétent en cette matière, je crois savoir que l’on n’a jamais mis un centime dans la recherche de solution alternative à la respiration.

Mais on s’est intéressé à la réduction des risques. Par exemple il y a des recommandations de l’OMS, il y a des normes et il y a des tas de réglementations dans tous les pays. Il y en a surtout pour les maisons en région granitiques (31 départements concernés en France…) et pour les immeubles en béton (partout…). En gros on pourrait ventiler convenablement son habitation et son lieu de travail, ou bien aller tous vivre sur un récif corallien, car là au moins il n’y a pas de roches granitiques qui produisent du radon en continu. À défaut, il me semble que l’on se contente de vivre avec. Ce qui fait qu’en France la radioactivité de l’air domestique moyen est de 68 Bq/m3.

Par rapport à ces deux risques (fumer et respirer !), le krypton-85 produit dans le monde entier aujourd’hui est insignifiant. Et pourtant on s’en occupe… D’où la question de certains : Est-ce qu’il ne serait pas plus judicieux de re-proportionner nos modestes moyens financiers ? (J’en connais qui réclament des sous pour le cancer du poumon…)

Pour ce qui est des générations futures, le krypton-85 présente l’immense avantage, comme tous les produits radioactifs, de se désintégrer tout seul. Et une fois désintégrer : Il n’y en a plus ! Encore faut-il qu'il parte vite.

Pratiquement, ce krypton-ci diminue de moitié tous les dix ans par désintégration spontanée. Mais comme l’usine se doit de fonctionner en continu et donc en rejette en continu, on montre mathématiquement qu’un équilibre s’établit entre la production et la désintégration. Pour ceux qui –comme moi– on passé leur certificat d’étude, c’est un problème un soupçon plus compliqué que le célèbre robinet qui fuit dans une baignoire mal bouchée. Car ici la fuite varie avec la hauteur de l’eau dans la baignoire…Toujours est-il que l’équilibre est presque atteint après dix ans et quasi parfait au bout d’environ trente ans. C’est donc à nous de veiller sur le niveau du krypton-85 –et on le fait–, ce n’est donc pas un piège pour les générations futures...

Bien certainement, si d’autres pays en viennent –comme nous– à utiliser l’énergie nucléaire et si l’on continue de retraiter les combustibles nucléaires (par exemple pour mettre en sécurité les 5% de produits très dangereux pour les générations futures et pour recycler les 95% autres…) les nouvelles usines feront monter le niveau. Et comme on surveille de prêt ce niveau insignifiant et que ce sera de notre vivant… à nous de faire attention !

Pierre STROCK le 16 novembre 2008

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